Bitam, Nord Gabon…
Bitam, quel nom stupide, mais c’est le pays de Pahé, célèbre caricaturiste gabonais et grand chasseur de gonzesses. C’est d’ailleurs héréditaire puisque le papa de Pahé avait dix femmes.
Maintenant je crois soupçonner l’origine du nom Bitam…
De Yaounde, donc, la capitale du Cameroun aux multiples vertes collines, j’ai repris la route du sud à travers de très belles forêts bien épaisses…pas de contrôle, pas de trou dans le goudron, pour un convalescent cette route est presque plus confortable qu’une cure de repos au sanatorium.
Après deux cent soixante bornes, on arrive à la douane.
J’aime toujours autant les histoires de douanes ; celle-ci, c’est un modèle à part…Bien qu’il s’agisse de la seule route reliant les deux pays, il n’y a même pas de barrière…si tu fais pas gaffe, tu changes de pays super peinard !
Mais bon, on sait comment c’est, on passe comme ça et à la sortie du territoire, bonjour les embrouilles…D onc, il faut aller à la pêches aux tampons de sortie . Pour le passeport, ce fut assez simple, le fonctionnaire officiel faisait la sieste dans une petite cabane, je l’ai réveillé poliment, il m’a tamponné le visa est s’est rendormi. Après il fallait faire la même chose pour le carnet de douane de la moto.
La douane c’est un vrai bâtiment en dur un peu à l’écart de la route. Là aussi le fonctionnaire roupillait et c’est son chef qui avait le tampon dans son bureau fermé à clé et on ne savait pas trop quand c’est qu’il allait arriver. Heureusement Pahé que j’avais prévenu la veille de mon horaire approximatif d’arrivée était venu à ma rencontre avec un frangin à lui,à deux sur une mototaxi. Le frangin, on l’appelle Blasé-Blasé ce qui est déjà en soi tout un programme.
On a donc pu casser une petite croûte et boire un coup en attendant le tampon.
Je retournais voir de temps en temps mais les choses ne s’agitaient pas beaucoup dans la petite maison des douanes. Quand on y est repassé pour la troisième fois, le douanier était carrément allongé sur son bureau…Pahé l’a réveillé pendant que je cherchais n’importe quel cachet à peu près officiel sur le bureau ; je lui en ai mis un dans la main , mais il arrivait même pas à faire ce geste vif et précis qui peut parfois donner tant d’allure au douanier à jeun.
J’ai fini par tamponner le carnet moi-même, ce qui quelque part, pour un voyageur, reste comme une sorte de moment d’extase. Mais il faut néanmoins reconnaître que moi non plus, je n’ai pas vraiment le coup de main ; y’a pas à dire, douanier c’est vraiment tout un art !
Passés au Gabon, c’est presque la même ambiance ; juste un vague contrôle où on me dit juste de faire voir toutes ces paperasses à Bitam, que c’est bon et bienvenue au Gabon…
Connaissant depuis quelques années l’insolence des dessins de Pahé dans la presse de Libreville et sachant qu’il vivait loin de la capitale, je m’étais plu à imaginer dans mes délires de convalescent en quête de repos, qu’il devait jouir de très bonnes protections. Je le voyais donc vivre dans une de ces gigantesques villas qu’on voit souvent en Afrique et où crèchent quelques anciens ministres ou biznessman retirés des affaires pétrolières. Je m’imaginais en cure de repos, au milieu d’un grand parc avec des infirmières aux petits soins pour mon organisme déficient. Faut jamais trop rêver…Pahé habite comme un bon célibataire queutard, entre téloche et boîte de conserves, il passe régulièrement chez lui des bimbos décérébrées qui viennent lui ouvrir ses boîtes de corned beef en regardant des clips de merde .
Le petit plus pour la cure de repos, c’est que juste à côté de chez Pahé , il y a une scierie et l’industrie du bois dans le coin, ça turbine à plein tube !
Pour plus tard, Pahé se construit déjà dans le village de ses ancêtres, une grande maison en dur au milieu des cacaoyers. Il a aussi déjà son bistrot pour pas s’emmerder le soir et même un dépôt d’essence, il faut dire que le village des ancêtres est juste entre les deux frontières…
Ce sacré Pahé ne perd décidément pas le Nord !